Handicap et emploi : à l'instar de L'Oréal, les entreprises dépassent les préjugés

Avec un taux d’emploi de personnes handicapées supérieur au taux légal de 6  %, Patricia Larzillière pourrait arrêter de se poser des questions. Pourtant, la directrice générale adjointe de Servair continue, portée par ses collaborateurs handicapés.

Dans cette filiale du groupe Air France spécialisée dans la restauration aérienne, l’inspiration est venue des salariés. « Poussés par des parents d’enfants porteurs de handicaps, nous nous sommes d’abord attachés à l’intégration de collaborateurs sourds, muets ou malentendants. » Peu à peu, la dirigeante s’est dit qu’elle pouvait aller plus loin. « Un jour, j’ai vu un père à la télévision plaider pour l’intégration d’autistes sévères. J’ai compris que j’avais beaucoup d’idées préconçues sur la question et j’ai creusé le sujet. »

Sensibilisation autour du handicap

Ce papa s’appelle Jean-François Dufresne. Ancien directeur général du groupe Andros, il est sensibilisé à la question de l’autisme grâce à son fils Luc. « Quand il est arrivé à l’âge adulte, il y a dix ans, on m’a dit qu’il ne ferait jamais rien de sa vie. Et depuis, j’ai prouvé le contraire. » Très vite, il sollicite son entreprise, avec succès. Objectif : trouver des postes adaptables à ce type de profil. En parallèle, il crée l’association Vivre et travailler autrement, pour accompagner les employeurs prêts à s’investir dans l’accueil de ces candidats atypiques. « Mon fils, comme tous ceux qui sont rentrés chez Andros, y travaille toujours en CDI depuis quatre ans »,, poursuit-il.

De multiples bénéfices

L’expérience s’est étendue à d’autres employeurs, comme L’Oréal ou Servair. « J’ai sept usines, et une dizaine de recrutements est prévue », poursuit Patricia Larzillière. « Leur travail, consistant souvent en des pesées précises, est parfois plus méticuleux que chez certains salariés ! Cette belle aventure humaine a ému beaucoup de collaborateurs. »

Selon Jean-François Dufresne, les entreprises y voient vite un triple avantage. « C’est d’abord un geste d’inclusion pour les intéressés : mon fils peut désormais vivre comme un adulte au lieu de rester enfermé. Ensuite, cette approche citoyenne rejaillit sur l’ambiance et la productivité de toute l’équipe. Enfin, cela génère des économies pour la société grâce à un taux d’encadrement évalué à 0,66 personne en entreprise contre 2 dans un foyer médicalisé. »

Témoignage de 2 entreprises

Anne-Laure Thomas, directrice diversités et inclusion chez L’Oréal France

« Cela fait un peu plus de vingt ans que L’Oréal travaille sur le handicap. Le taux d’emploi obligatoire de 6 % est déjà atteint. C’est important de le mesurer et de respecter la loi, mais le défi continue pour nous. Nous pensons que l’inclusion des personnes en situation de handicap, comme la diversité, est un défi continu. Récemment, nous nous sommes rapprochés de l’association Vivre et travailler autrement, pour intégrer des profils d’autistes sévères qui ont des compétences précieuses. Nous avons identifié trois usines qui pouvaient réorganiser leur espace de travail et des postes à tâches répétitives qui pourraient leur convenir. Et nous sommes fiers d’avoir signé nos premiers contrats à durée indéterminée. Ce n’est pas une bonne action, car c’est vraiment une démarche gagnante pour tout le monde. C’est aussi un engagement pour certaines valeurs, autour d’un vrai enjeu sociétal. Il n’y a pas de doute à ce sujet : il faut travailler ensemble avec des profils différents. En plus, on sait que 80 % des handicaps sont invisibles. L’inclusion permet donc de ne pas se priver d’excellents profils. Pour cela, nous devons envoyer le message que personne ne doit hésiter à postuler chez nous en raison d’un handicap. Si un candidat a les compétences et la motivation, nous ferons le reste. Dans cet esprit, nous avons lancé une campagne sur le thème Oser être soi. Parmi nos talents, nous avons, par exemple, Amélie, technicienne de recherche et déficiente visuelle de naissance. Son intégration a bousculé plein d’idées reçues et porté tout le monde ! En réalité, beaucoup d’aménagements de poste, comme la simplification de certaines consignes, sont bénéfiques pour l’ensemble des collaborateurs. Et, surtout, cela procure également à tous les salariés une vraie fierté d’appartenance. Personnellement, je suis fière de me lever le matin pour aller travailler, même si je sais que l’on peut toujours faire mieux. »

Magali Fabre, directrice diversité, équité et inclusion chez CGI

Sur quoi repose votre politique handicap ?

Depuis 2006, notre approche est tournée vers l’empowerment (NDLR : processus par lequel une personne s’émancipe et acquiert la capacité d’user pleinement de ses droits) et l’inclusion. En plaçant chacun en expertise de sa situation, nos collaboratrices et collaborateurs nous font grandir. C’est pourquoi, chaque année, nous montons en expertise sur des typologies de handicap, notamment les troubles cognitifs. En visant l’inclusion, nous voulons concrétiser notre devise : « vous êtes unique et ça nous plaît », et démontrer que chacun a ses fragilités et ses points forts à apporter.

Comment capitaliser sur les différences ?

Compte tenu de la spécificité de nos métiers de l’informatique et du conseil, nous avons dû innover pour recruter, former, et assurer les meilleures conditions d’intégration dans nos projets. Nous avons décidé de nous saisir de la richesse de l’écosystème du handicap pour développer des projets collaboratifs, disruptifs et engageants, tant pour nos membres que nos manageurs.

Quels candidats accueillez-vous ?

Nous recherchons des profils singuliers dans nos équipes et nous voulons poursuivre l’inclusion de talents, de compétences et les intégrer à des collectifs de travail bienveillants et capables de faire de ces diversités des forces d’innovation et de création. Pour concrétiser cet engagement, nous développons avec le CNRS et le soutien de l’Agefiph un jeu de recrutement inclusif  : « le révélateur de THalent ». Il permettra d’ouvrir les métiers des technologies de l’information à des profils nouveaux par la réduction des biais et des stéréotypes et l’identification des capacités cognitives et des potentiels.

Source : Le Parisien

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