Handicap et emploi : la santé, un enjeu d'attractivité pour les entreprises

La prise en compte des troubles physiques et psychiques en entreprise favorise la confiance. « Dès le premier confinement, nous avons sollicité une hotline d’ergonomes afin de maintenir le contact avec nos salariés handicapés et les accompagner dans leur installation à domicile », explique Corinne Colombo, experte handicap et diversité au sein de la direction des ressources humaines de la société pharmaceutique Bayer France.

Des équipes dédiées

Avec la crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont renforcé les dispositifs de prise en charge de la santé des salariés, notamment ceux en situation de handicap. Chez Bayer, ils peuvent compter sur une équipe pluridisciplinaire dédiée depuis une dizaine d’années. Elle est composée de deux médecins du travail, d’une assistante sociale, d’un ergonome, ainsi que d’une infirmière présente sur la plupart des sites. Cette équipe met en place des aménagements adaptés à chaque salarié en fonction de ses besoins spécifiques.

Une de ses premières missions est de parler de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), car certains salariés ignorent parfois son existence. « En tant qu’employeur, il est essentiel de communiquer en interne sur le handicap afin de libérer la parole sur ce sujet et d’instaurer un climat de confiance » ajoute Corinne Colombo. Cette prise en compte favorise également une meilleure écoute entre collaborateurs. Cela renforce la cohésion interne ainsi que le sentiment d’appartenance des employés.

La crise sanitaire a été un accélérateur

L’épidémie de coronavirus a aussi représenté l’occasion de revoir en profondeur la politique de prise en charge de la santé des travailleurs. « En début d’année, nous avons changé de mutuelle » glisse Adeline Merlet, codirectrice de l’agence de communication Nova, à Bordeaux (Gironde). « Nous avons choisi la complémentaire santé la plus avantageuse possible pour les remboursements de fauteuils roulants ou d’appareillages auditifs. »

L’entreprise recense pour le moment neuf salariés en situation de handicap sur un effectif total de 13 personnes. Elle leur offre la possibilité d’aménager leurs horaires de travail. « Cela a permis à deux de nos collaborateurs de pouvoir continuer leurs entraînements handi-sport, lesquels avaient été déplacés à cause du couvre-feu », se félicite la codirectrice. En parallèle, l’entreprise a mis en place des partenariats avec des acteurs du secteur médical. « Nous avons signé une convention avec l’école d’ostéopathie de Bordeaux, afin de bénéficier de tarifs avantageux »,, explique Adeline Merlet.

Une stratégie bénéfique pour tous

Ces multiples dispositifs permettent de réduire le poids du handicap dans le cadre professionnel. « « Dès lors que nous prenons en compte les besoins, l’entreprise conserve les compétences des salariés »,souligne Corinne Colombo. « « Un collaborateur qui se sent estimé, encadré, et pour qui l’environnement est adapté à ses spécificités, s’investit à 100 % dans son travail, ajoute Adeline Merlet. Nous ne connaissons pas l’absentéisme ni le turn-over. Ce qui nous permet d’être particulièrement attractifs et de continuer notre croissance, même en cette période compliquée. »

Témoignage de 4 entreprises

Consuelo Bénicourt, directrice responsabilité sociale chez Sopra Steria

Que signifie l’inclusion pour vous ?

Chez Sopra Steria (NDLR : une entreprise de services du numérique), notre politique de responsabilité sociale est fondée sur l’égalité des chances et l’insertion sociale. Cela recouvre toutes les actions pour intégrer les profils éloignés de l’emploi et lutter contre la discrimination.

Quels engagements avez-vous en matière de handicap ?

Nous avons des engagements forts de recrutement. Néanmoins, peu de jeunes en situation de handicap parviennent à poursuivre des études dans l’enseignement supérieur. C’est pourquoi nous avons lancé en 2013 le programme Handi’tutorat, en partenariat avec une dizaine d’écoles d’ingénieurs dans toute la France. L’objectif est de proposer du soutien scolaire à des lycéens en situation de handicap, avec le concours et l’implication d’élèves ingénieurs, pour leur redonner confiance dans leur capacités et leur permettre de se projeter vers l’enseignement supérieur. Nous mettons aussi à disposition de jeunes étudiants en situation de handicap un programme de bourses. En effet, les études supérieures représentent des frais auxquels s’ajoutent souvent des besoins spécifiques induits par leur handicap. Nous avons également associé à ce dispositif un système de parrainage pour accompagner ces étudiants dans leur l’orientation professionnelle, voire les accueillir en stage chez Sopra Steria.

Et au sein de l’entreprise ?

Quand nous accueillons une personne en situation de handicap, nous lui proposons un accompagnement sur mesure. Nous sommes aussi activement engagés dans le maintien dans l’emploi. A ce titre, nous mettons en place tous les équipements nécessaires à l’adaptation des postes de travail de nos salariés en situation de handicap. Cela passe par un volet technologique, mais il faut aussi évidemment associer à ces actions une sensibilisation de l’ensemble de nos collaborateurs.

 

Géraldine Semopa, chargée de recrutement et de mission handicap chez Leboncoin

Comment définiriez-vous une entreprise engagée ?

C’est un travail de tous les instants. Nous avons signé notre première charte handicap cette année avec des engagements forts : nous voulons effectuer 45 recrutements de personnes en situation de handicap en trois ans (NDLR : Leboncoin emploie actuellement 1 400 collaborateurs). Il se trouve également que, pendant la période des confinements, deux salariés se sont déclarés en situation de handicap. Nous les avons accompagnés pour le montage de leur dossier de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) dans une optique d’adaptation de poste. Nous avons fait appel à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) ainsi qu’à une entreprise spécialisée. D’ailleurs, je m’attends à d’autres sollicitations au moment du déconfinement.

Est-ce davantage une démarche volontariste qu’une contrainte légale ?

Absolument, car nous avons eu l’occasion d’en mesurer les bienfaits. Depuis le lancement de notre mission handicap en 2018, nous sommes dans cette dynamique. Leboncoin a toujours encouragé la diversité, car elle favorise l’émergence d’idées, la créativité et l’innovation. Des vécus différents nous font évoluer plus vite et de façon plus efficace. Nous communiquons beaucoup sur le handicap en interne et nous invitons les personnes concernées à se manifester pour éviter que leur santé se détériore. Une personne sur deux rencontre une situation de handicap dans sa vie. Cela ne doit plus être un tabou. Cependant, nous laissons chacun suivre son cheminement personnel.

Est-ce un facteur de fidélisation ?

Je l’espère. Dès que nous intégrons une nouvelle recrue, elle participe à nos campagnes de sensibilisation et peut être amenée à collaborer à nos événements tels que la journée Duoday, qui permet à nos collaborateurs de coacher des jeunes en situation de handicap. Nous recrutons 200 personnes par an, ainsi, il ne faut pas que des candidats hésitent  !

 

Caroline Guillaumin, directrice des ressources humaines de la Société Générale

Sur quels leviers repose votre politique d’inclusion des travailleurs en situation de handicap ?

Nous nous appuyons sur un solide réseau de plus de 400 interlocuteurs de proximité. Ces derniers accompagnent au quotidien les collaborateurs concernés, en lien avec la mission Handicap. Celle-ci mène depuis 2007 de multiples actions pour maintenir dans l’emploi, former et sensibiliser les équipes. En ayant recours aux entreprises du secteur adapté, pour un investissement de 7,7 millions d’euros en 2019, la Société générale a également contribué à créer 384 emplois et à professionnaliser ce secteur.

Quel est le bilan de cette démarche ?

Nous avons effectué 198 recrutements de personnes en situation de handicap ces trois dernières années. Plus de 6 100 postes ont également été aménagés au sein du groupe depuis 2007. En 2019 le groupe comptait 1 400 collaborateurs déclarés handicapés. Nos employés disposent également d’un numéro vert pour échanger sur leur situation.

Quels sont les atouts pour l’entreprise ?

La diversité et l’inclusion sont un enjeu stratégique au service de notre raison d’être : construire ensemble, avec nos clients, un avenir durable en apportant des solutions financières responsables et innovantes. L’inclusion est la clé pour devenir performants, mais aussi responsables et ouverts sur le monde. Nous voulons être une entreprise où les collaborateurs se sentent bien, à l’image de la diversité de la société dans laquelle nous opérons.

 

Magali Munoz, directrice des services coordonnés pour la qualité de vie au travail chez Manpower

Comment l’engagement de Manpower en matière d’inclusion a-t-il évolué ?

Nous nous sommes engagés dès l’adoption de la loi sur le handicap, en 2005, par une convention avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph), puis, à partir de 2010, avec la signature de deux accords (salariés permanents, intérimaires), sur tous les points demandés par le législateur. Le fait d’avoir des engagements signés avec des organisations syndicales est déjà un signal très fort. Nous prouvons qu’en vivant l’inclusion de l’intérieur, nous sommes en bonne position pour conseiller nos clients entreprises.

Comment prioriser l’inclusion en temps de crise sanitaire ?

Bien que l’activité du secteur de l’intérim ait chuté de 75  % en une semaine au mois de mars 2020, nous avons continué de placer l’inclusion parmi les priorités. La mission handicap a travaillé en interne à maintenir la qualité de vie au travail des salariés handicapés grâce à des aménagements de postes en télétravail lorsque cela était nécessaire.

Comment convaincre une entreprise réticente de mener une politique d’inclusion ?

Avoir une politique inclusive amène une ouverture humaine et offre une réflexion sur le management. Accueillir des personnes issues de quartiers prioritaires, de la jeunesse ou atteintes de handicap, c’est la preuve qu’à force de courage, tout est possible. A partir du moment où l’entreprise fait attention à ses salariés pour qu’ils puissent avoir le sentiment de bien exercer leur métier, les résultats sont au rendez-vous.

Source : Le Parisien

 

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